Chambre avec vue

C’est la seule depuis laquelle on aperçoit les montagnes. Elles s’y glissent incertaines entre un ciel moutonneux et deux bâtiments cossus qui tirent sur le rose et l’orangé, soulignées par le boudin anthracite d’un toit faussement parisiens, avec lucarnes, lui aussi saupoudré de nouvelle neige. En contrebas, deux aplats de vieilles tuiles viennent briser des rangées de vitrage bleuté, dont l’opacité laisse deviner l’organisation segmentée de petits bureaux où scintillent quelques halogènes. Une volute s’échappe au loin du téton noir d’une grosse cheminée en béton, et qui, agitée au gré du vent, vient parfois lécher  les stigmates blancs des pâturages. Le savonnier de la terrasse a perdu de son panache d’automne, mais ses capsules en forme de lampion, aujourd’hui brunâtres et ratatinées, se balancent au bout de ses branches nues et animent d’un rythme saccadé l’angle gauche de ce paysage.