Il y avait ce matin une forte bise. Si forte qu’à un moment, elle s’est engouffrée entre les maisons et a soulevé une grande quantité de poudreuse sur le toit d’en face. Puisqu’il faisait beau, qu’il était tôt et la lumière très vive, c’est un immense nuage tourbillonnant qui a furtivement obstrué la vue. On aurait dit une nuée de paillettes! Ravie, et dans l’attente d’un nouveau soufflet, j’ai ouvert la fenêtre et saisi mon smartphone dans l’idée d’immortaliser ce fascinant spectacle. Caméra, on. Merde, contre-jour. Et puis le vent s’était déplacé, il malmenait maintenant les hauts sapins voisins dans une nappe sonore assourdissante, à peine croyable elle aussi. C’est mon dictaphone qu’il fallait dès lors actionner. A l’affût, appareil en main, j’attendrai frigorifiée que rien ne veuille plus se passer, avant de gentiment me résigner, et réaliser que la question de l’usage d’une telle captation n’était pas vraiment résolue. « Regarde-moi cette belle giboulée! », aurais-je probablement dit, un peu moins enthousiaste, à quelque ami qui le serait encore moins. L’époque ne comprend pas bien que l’on n’enregistre pas la beauté des choses, et elle parvient mal à la saisir dans ce qu’elle a de plus commun: ne faire que passer.